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نقاش المستخدم:Saharicomo/ملعب

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التعليق الأخير: قبل 6 سنوات من Saharicomo



                                                              LES SAHARI OULED BEN ALIA

L'histoire des peuplades du Sud de l'Algérie est encore plus confusément enfouie dans les ténèbres de la tradition que celle des tribus du Nord. Au-delà du Tel, en effet, et en dehors des grands centres de population, il n'y a plus de Taleb ou savants qui puissent appliquer sûrement la critique à l'étude des faits. D'ailleurs, ces clans de nomades méridionaux n'apparaissent, chaque année, dans le Tel qu'un instant pour ainsi dire; et, rentrant aussitôt dans les immenses solitudes qui sont leur véritable patrie, ils échappent, par cela même, a toute investigation sérieuse et suivie. Dans cet isolement scientifique immémorial, leurs annales naquirent et se sont développées eu l'absence de tout contrôle rationnel et sous les seules influences de l'orgueil aristocratique uni à un insatiable besoin, de merveilleux ; s'enrichissaut de fables ou s'appauvrissant de vérités, selon l'occasion et toujours à la faveur des connivences du penchant national.

On ne doit donc aborder qu'avec une circonspection extrême les récits légendaires de ces enfants du Sud; aussi, tout en les livrant au lecteur tels qu'ils sont aujourd'hui racontés, nous faisons soigneusement nos réserves, et nous appelons de tous nos voeux le moment où la découverte de documents authentiques et positifs permettra de démêler avec quelque certitude les vérités qui se cachent sous la multitude des ornements romanesques.

NEn attendant, reproduisons ce que nos Sahariens racontent sur eux-mêmes et comme ils le racontent.

Si l'on examine attentivement les Sahari, si l'on étudie minutieusement leur visage, on s'aperçoit que l'ensemble général des traits n'appartient pas à la race arabe. Seraient-ils des autochtones aussi bien que les Habiles? Aucune preuve matérielle ne vient, je l'avoue, étayer celle réllexion, qui est le résultat de remarques particulières fondées sur de simples apparences pbysiognomiques.

Le manque de temps et de ressources intellectuelles dans la localité où j'écris ne m'ont pas permis de rechercher les faits qui pouvaient ôter à mes assertions le caractère d'une hypothèse prématurée. Quant aux lettrés du pays, ils affirment, sans en pouvoir donner aucune preuve, que les Sahari sont aborigènes; ou bien ils produisent une légende mytérieuses d'après laquelle ils seraient venus dans la contrée pour se mettre à l'abri des Pharaons de l'Egypte. Ne pourrait-on pas voir dans celte fable un souvenir des conquêtes de Sésostris?

Le Djebel Sahari, situé au Sud de Tileri, faisait autrefois partie de l'ancienne Gélulie et était habité par les Isaflenses (1 ), chez lesquels se réfugia Firmus après sa défaite par Théodose qui, toujours chassant devant lui cet ennemi de l'empire romain, porta ses armes victorieuses jusqu'au pays'des palmiers.

Les Sahari n'ayant pas pour les protéger dans leurs luttes la configuration physique du sol, c'est-à-dire, l'épais rideau des montagnes de la Kabilie, furent facilement absorbés par la race arabe conquérante. De nombreux mariages politiques, des rapports forcés de chaque moment, avec les tribus qui les englobaient, leur firent probablement perdre leur caractère original, en même temps que leur langage primitif. Depuis une époque que leur mémoire ne peut se rappeler, ils vivent sous la tente; et il en faut sans doute voir la cause dans celte crainte incessante qui, jusqu'à notre arrivée daus le pays, a constamment tenu en éveil les tribus du Sud et les a forcées d'être toujours prêtes à livrer le terrain à un ennemi se renouvelant sans cesse. Ce n'est aujourd'hui qu'une race abâtardie, ne se rapprochant des Berbères que par les noms de quelques localités (noms laissés, peut-être, par des peuples demeurés inconnus aux historiens), par son amour pour la culture et la vie sédentaire, amour qui pourrait n'être dû qu'à la nature montagneuse du pays. Les grands vices ou les grandes qualités inhérents à un peuple pur de tout alliage se sont usés par ce frottement journalier avec leurs limitrophes. Tout est mixte chez le Sahari, tout est énigmaliquc;

(1) M. Arnaud avance ceci, d'après un manuscrit non signé, déposé dans les archives de Laghouat. Mais l'assertion i:sl ti-ès-conleslablc.— Ar. de la R. il est mollement bon, il est faiblement mauvais. Parfois cependant-, se rappelant toul-à-coup une antique indépendance, une brusque étincelle de vieille énergie jaillit de son oeil éteint. Mais si la lueur est vive, elle ne dure qu'un instant. Une soumission obséquieuse, de plusieurs siècles a noyé sa sauvagerie native dans une apathie indicible. Toutefois, le temps et le despotisme ont vainement essayé d'étouffer sous leur rude étreinte son antipathie instinctive contre l'Arabe, avec lequel il ne veut pas être confondu : il veut rester Sahari, ;

Près d'eux ont dû vivre d'autres peuples, ainsi que semblent le. prouver des ruines dont on ne connaît pas l'origine. Telles sont celles situées dans le Senn el-Lebba; à Bou Aïchaouiya, A>jli~E ji\t

H'àci el-'oud, ïjsâ\ <c^-> 'Euguila, -ALÂC, 'AÏII Rah'la, jdb=J ^^e,

Ardjam, À^\\; sur l'oued Noumcen, ^j^y VJJ-'IJJ l'oued Medjdel,

J4=s^ ±C^j-, à Makhoukh, -^a^, Ourrou, JJ_J, etc. Ces dernièressur

dernièressur route de Djelfa au Rocher-de-Sel auraient été, dit-on, le repaire redoutable d'une bande de coupeurs de route, dont le chef se nommait Ourrou. A S kilomètres Nord de Djelfa, à gauche de la grande route. près du moulin Randon, on voit des tombeaux que leur forme a fait supposer celtiques. Quelques fouilles n'ont amené que la rencontre d'ossements humains. Au-dessus, mais à la droite de la route, sont les ruines de Makhoukh, ks'ar bâti autrefois par un chef berbère. Les murs en pierres sèches et dont une partie subsiste encore, en s'écroulanl, ont couvert de leurs débris les flancs, du mamelon, sur la corniche ouest duquel se trouvent deux ou trois tombeaux de la même forme que les premiers et que les Arabesdisent être des embuscades dressées jadis par des chasseurs de lion.. Des postes romains assuraient le parcours des trois vallées principales du Djebel Sahari servant encore aujourd'hui de passage pour déboucher dans les plaines : celle de l'Oued Hadjya on Bab 'ain Messe'ouda; de l'oued Djelfa, où (entre le moulin et Djelfa) le Dr. Reboud découvrit une pierre portant cette inscription : Zdresis, et un chapiteau de colonne, qui soutient maintenant un cadran solaire dans la pépinière de Djelfa ; de Ga'iga' ^~*i fermée au Nord

par le poste de Rorireïn (^J PJ^"), au pied du K'oundjaiya L^jUsr 3 chaîne de collines entre les deux Sebkha du Zar'ez (Zaresis) à l'Est de Mesran). Les Arabes parlent d'un fossé ou saguia entre- Mcsrait et Korireïn, creusé par les Djouhala, aliu d'amener sur leurs cul- turcs les eaux de l'oued Melcli. L'année dernière, les Sahari, eu construisant leur barrage de l'oued Bestama, découvrirent dans le lit de celte rivière, à peu de profondeur, deux urnes à col allongé et a fond ombilical, parfaitement conservées. Je regrette qu'elles n'aient pu parvenir au' Musée où elles étaient d'abord destinées.

Les ruines de Korireïn, quoique, moins étendues, présentent le même aspect que celles de l'oued Hadjya. Au milieu de l'enceinte rectangulaire, dont les murs, au niveau du sol, n'ont pas moins de quatre-vingt centimètres d'épaisseur, sont éparses quatre ou cinq énormes pierres carrées h moitié ensevelies dans la terre. Pas de vestiges d'inscriptions.

Le djebel Sahari de l'annexe de Djelfa, pendant très-longtemps s'appela Mechenlel (^HJ£J> boisé).

A une époque reculée, un peuple que l'on nommait Sahari (^ÇjLs—), vivait dans ces montagnes sous la direction de son chef,

Aliya ben 'Ali ben 'Otman, lequel, par la suite, devait donner son nom à une fraction de cette importante tribu. Aucun renseignement n'a pu jeter la moindre lueur sur son origine. Bien plus tard, quelques Bouazid ou descendants de Sidi bou Zid se fixèrent, à leur tour, dans les gorges de la vallée de Ga'iga' (ï^xs). Les anciens propriétaires abandonnèrent généreusement aux nouveaux immigrants, du reste peu redoutables dès le principe, cette belle portion de leurs montagnes, furent pour eux des frères et leur vinrent en aide chaque fois qu'un secours fut nécessaire. Mais bientôt, les ravins de Ga'iga' se trouvèrent trop étroits pour contenir les Bouazid, dont les villages se multipliaient chaque jour. En effet, de broussailles en broussailles, de rochers en rochers, ils s'étaient approprié une large part du territoire de leurs bienfaiteurs. Ils occupèrent successivement les collines de Bou Trifis, de Tis el-Ouïn, Tast'ara, ifjLkJj, Il'àci el-'Oud, ^_jJl ^~>=>-> D'aya, «L-s, K'ot'aya,

ïjLks, et s'étendirent jusqu'à l'oued Hadjya, près de Charef. Partout où ils réussissaient à s'établir, ils élevaient des maisons pour consacrer leur prise de possession. Alors, devant ces rapides envahissements, l'inquiétude entra dans le coeur des Sahari, qui, déjà, n'avaient pas vu, sans une secrète jalousie, celte petite tribu prospérer et s'enrichir à leurs côtés. Des disputes, des querelles journalières, présages de sanglants conflits, firent naître une haine qui grandit avec la puissance des Bouazid. Un long cri de guerre partit de tous les rochers à la fois. Le- premier combat se livra à liaci eu-

Neguib (w*^J| v;~°0 puits du pic, du inallure de Numidie), à l'entrée sud de la vallée de Ga'iga'. De part et d'antre, l'acharnement fut extrême, car il fallait que l'une des deux tribus quittât le pays. Soixantesix Sahari furent lues ; mais, bien que la perle fût moindre chez les Bouazid, puisqu'elle n'atteignait pas le chiffre de 40, les Sahari restaient cependant maîtres du terrain. A la suite d'autres rencontres non moins terribles, les Bouazid, toujours défaits, toujours vaincus, se retirèrent vers les contrées de l'Est, en pleurant ces riches montagnes, où ils laissaient de nombreuses traces de leur résidence, telles que débris de constructions, ruines de villages et la Coupole (goubba) de leur ancêtre Sidi bou Zid. Ils n'habitèrent que pendant cinq ou six ans le djebel Mechentel et y furent connus sous le nom de Oulad Sidi Soliman ben Youb, petil-fils de Sidi bou Zid. Les Merazig, seulement, devenus Khoddam (serviteurs) de Sidi Soliman, obtinrent grâce devant les vainqueurs, malgré leur défection et en raison de leur presque confraternité d'origine avec les Sahari. Cette tribu, qui descend de Merzoug, nègre de Aliya ben Ali, est aujourd'hui disséminée dans le Tel. Les autres membres qui n'ont pas voulu abandonner le djebel Mechentel, où ils possèdent leurs terrains de labour, se réunirent sous le nom de Traîfa, aux Oulad Abd-el-Rader, lorsque les Oulad Naïl s'abattirent sur le pays. La tombe de Alerzoug est à côté de la Goubba de Sidi Soliman Moul el-Trifiya, au N. E. de Aïn Ourrou et tout près de la grande route.

Les Oulad Sidi bou-Zid, dont les tribus se sont répandues sur toute la surface de la terre, ont pour souche Sidi bou Zid ech - Cherif. Cet homme illustre qui jouit à si juste titre, chez tous les musulmans, d'une haute renommée comme taleb et comme marabout allié à la famille de Sidi Abd-el-Kader el-Djilani, avait le teint vivement coloré de rouge ; ses deux sourcils ne formaient qu'une seule ligne épaisse à la base du front ; une barbe noire bien fournie encadrait son visage d'une beauté resplendissante. Au-dessus des yeux, il avait une large cicatrice provenant d'un coup de pied de cheval reçu pendant sa jeunesse.

11 naquit dans le Djebel Amour, à Aïn el-Biod'. Dieu commençait à peine à répandre sur lui ses grâces, que déjà quelques habitants de celte contrée, méconnaissant ses rapports avec la Divinité, se révoltèrent un jour contre lui, pareequ'il voulait les faire rentrer dans le sentier de la vertu, et résolurent de le mettre à mon. Le saint n'eut qu'à souffler sur ces hommes pervers pour les réduire tous en poussière au nombre de quarante cavaliers. Sidi Bouzid prenant ensuite la forme d'un aigle, quitta ce pays et se rendit à el-Hamel (J^L»), où il laissa une descendance, puis à Madjen (^a.U). Il créa dans cette plaine les Oulad Mor'ran ( Jjà»). Le gouvernement algérien, que le pouvoir de cet homme inquètait, le fit jeter dans un hûcher ardent. Du milieu des flammes, le marabout leur cria : « Votre feu est bien froid ! Augmentez-en donc la chaleur ! » El il sortit sans aucune blessure de la fournaise, ce qui devait suffire pour convaincre tout le monde de sa sainteté ; mais ses ennemis, aveuglés par la colère, essayèrent d'un autre élément et le précipitèrent dans la mer. Celte nouvelle épreuve fut une nouvelle victoire! En disparaissant aux yeux étonnés de ses bourreaux, il leur lança celle malédiction : « Malheur à vous! je vois la honte et le mépris des nations s'avancer de votre côté pour vous couvrir de leurs sombres voiles. »

Afin de ne pas allonger celle digression sur Sidi bou Zid, je donnerai, en parlant des Cheurfa, la nomenclature des tribus fondées par ce grand marabout.

Après la fuite des Bouazid, les Sahari purent librement s'étendre dans le Djebel Mechentel, depuis Ain Hali'Ia à l'Est et l'oued H'adjya à l'Ouest, jusque dans le pâté de montagnes appelé Djebel béni Yagoub et situe entre Charef, Zenina, Ta'd'mit et Amar. L'oued Hadjya fut toujours la ligne de démarcation qui les sépara des inoffensifs Oulad Sidi Ahd-el-Aziz ech-Charef ou A'baziz Charef.

Les Oulad hou Aïcha ou Bouaïehe, qui campaient alors à el-Àlgan ( ,Xs£z) à l'est de l'oued Medjdel, sentant que leur séjour près des Sah'ari deviendrait bientôt impossible, songèrent à les déloger de leurs montagnes, d'où ils menaçaient tous leurs voisins. Dès qu'ils connurent celle intention, les Sahari, enorgueillis par leurs précédentes victoires, allèrent chercher ces nouveaux ennemis sur leur propre territoire. Les deux tribus se rencontrèrent sur les bords de l'oued Medjdel . Dès le premier choc, 71 Bouaïehe furent tués ; les Saha'ri eurent à déplorer la mort de 67 de leurs meilleurs combattants, tant cavaliers que fantassins. Les Bouaïehe se réfugièrent dans leurs leiries, d'où les Sah'ari n'osèrent entreprendre de les chasser, car leur victoire leur avait presque autant coûté qu'une défaite.

Cette sanglante affaire n'enleva pas aux Bouaïehe l'espoir d'éloigner du pays leurs terribles adversaires. Ils rentrèrent même à l'improviste en possession d'une partie des terres conquises sur eux précédemment, et se glissèrent le long de la vallée Ga'iga'. Les Sahari se réunirent aussitôt pour s'opposer h cette nouvelle inva-

sion. La mêlée fut épouvantable, les guums engagés étant pleins de valeur et d'audace. Déjà, des deux côtés, le nombre des morts était égal ; mais la victoire, par suite de meilleures dispositions, penchait plutôt vers les Bouaïehe.

En ce temps-là vivait parmi les Sahari, un marabout, un de: ces Ouaii (ssint) qui, semblables à la reine des astres, notre flambeau nocturne, sont parfois envoyés par Dieu sur la terre pour diriger les hommes dans le chemin de la vérité que d'épaisses ténèbres dérobaient jusque là à leurs regards. Le nom de ce saint, si célèbre dans le Sud, était Mohammed ben Aliya. Son apparition subite au sommet d'un rocher, devait changer le résultai du combat, dont l'issue cependant ne semblait plus douteuse. A sa vue, les deux partis s'arrêtent saisis d'un saint respect; les armes s'échappent des mains tremblantes : les prières, les invocations, succèdent spontanément au bruit des armes; chacun lui demande, prosterné la face contre terre, de décider la victoire en sa faveur. Le Marabout, qui appartenait aux Sahari par sa mère Mariem bent Rah'âl et aux Bouaïehe par sa nourrice Aliya, fut un instant très-embarrassé ; car chaque soldai des deux armées, oubliant l'acharnement de la lutte, implorait son secours avec une foi égale. Mais, saisissant l'occasion avec infiniment d'à-propos et de bon sens, un nieddah (chantre) inspiré, se mit à chanter dans les rangs des Sahari un hymne en son honneur. Cet hommage le flatta et fixa ses irrésolutions. S'adrcssant alors aux Sahari, il leur cria eu levant son doigt dans la direction du Sud : Amenez-moi ces créatures de Dieu qui passent là-bas, ces sept enfants de Sidi Naïl, de la tribu des Ouled Fereudj, de la fraction des Oulad Zer'iliche, et vous sortirez vainqueurs du combat par la permission de Dieu. Il n'avait pas fini de parler que déjà l'on voyait sept hommes, sept géants s'élancer à la tète des Sahari.

Les Bouaïehe, dont le centre était à Beshassa ( J^.L^o ), s'étendaient jusqu'à la D'aiat el-A'd'ed' (^LOSSJ! MU) et à el-A'nater ( Jj'bc); les Sahari, rangés le long des berges de l'Oued Motiilah', s'appuyaient à Khaldjan ( .LxrU.) et Gandouza (ïj_jjji ), au sud du Téniet Ga'iga'. Les deux armées se mesurant de l'oeil, s'examinent un instant avec une rage silencieuse ; l'envie et la haine furieuse gonflent tous les coeurs. Alors, les deux troupes se ruent l'une sur l'autre, chacun cherchant à surprendre son adversaire, à l'attaquer corps à corps. Les sept guerriers des Oulad Zer'ïlïch' marchaient en avant des Sahari et les rangs opposés s'ouvrent sous leurs coups, qui sèment la mort partout où ils atteignent, et laissent après eux le désordre et l'épouvante.

Les ennemis de la tribu du Marabout semblaient un champ de blé fauché par de vigoureux moissonneurs ; leurs cadavres entassés témoignaient de l'immense carnage. A l'aspect des ravages faits dans leur gouin, voyant la victoire échapper de leurs mains, mais espérant encore la ressaisir, les Bouaïehe, d'un commun accord, se ramassèrent et accablèrent sous leurs efforts les auteurs de celte désolation. Les Sahari profilant du répit qu'ils leur accordaient ainsi, les enveloppèrent rapidement et les eurent bientôt mis en fuite. Mais les sept héros avaient succombé sous les efforts réunis des Bouaïehe; ils tombèrent et la terre les engloutit d'ellemême dès l'instant de leur mort. L'endroit où ils ont ainsi disparu prit le nom de el-Amouâgueuf. Leurs tombeaux rappelleront toujours à la postérité ce combat acharne et la victoire des Sahari due à leur valeur et aux mérites de Sidi Mohammed ben Aliya. Les Bouaïehe perdirent dans cette bataille cent hommes parmi lesquels il faut compter un chien noir, et les Sahari 63 combattants.

Les Bouaïehe, pour éviter un plus grand désastre, se retirèrent précipitamment sur l'Oued es-S'ouf (^jycj\ v_£-^j)> Pr6s mi Djebel Drouiya. Les Sahari se lancèrent à leur poursuite par petits pelotons; puis, la nuit étant arrivée, ils se rassemblèrent dans les ravins de l'Oued er-Rou' ( ç-jy\ VJJ-'IS)' a^in de mieux les surprendre dès les premières lueurs du jour, et de les anéantir jusqu'au dernier. Les Bouaïehe, qui avaient quitté imprudemment la forte position qu'ils avaient prise sur les crêtes des montagnes, furent rejoints à Reguiguissa ( JL^Ls, ), entre les bancs de sable du Zar'ez et la montagne. De nouveau vaincus, ils reprirent la route des montagnes et ne se reposèrent qu'à Fort'assa (A-LLJ),

à l'ouest de l'Oued Meleh'. Leurs implacables ennemis établirent leur camp à A'în Ma'bed ( J-JO» .^e), près de Zemila, (aujourd'hui poste), à l'est de l'Oued Meleh'. Les berges élevées de celte rivière rendirent toute nouvelle lutte impossible pour ce jour-là. Les Bouaïehe, toujours courant, se dirigèrent le lendemain malin, sur le. Djebel bou Zer'ba (Lij y\ ), à l'ouest du Ks'ar Charef-. Les Sahari, pour faire croire à toute cessation de poursuite de leur part, les laissèrent prendre une avance considérable ; puis, a tombée, de la nuit, ils se mirent de nouveau.cri marche et, au lever de l'aurore, surprirent les Bouaïehe dans le désordre d'un lever de camp et leur tuèrent un nombre d'hommes si considérable que les traditions n'ont jamais pu le préciser. Mais parmi les morts se trouvaient leurs deux plus intrépides chefs, Deur'man et Bou Ziza (ÏVJJJU (-.L^ci ). Toutefois, la victoire fut chèrement achetée par les Sahari, dont beaucoup ne devaient plus revoir leurs tentes. Le butin fut immense. Le sang avait arrosé une étendue considérable de terrain; les morts se pressaient les uns contre les autres : à chaque rocher, à chaque buisson, était accroché un lambeau sanglant. Les Bouaïehe, altérés, abandonnèrent pour jamais le pays et s'enfuirent dans le cercle de Bou R'ar (Boghar). -

Avant que le sort des armes ou plutôt la volonté de Sidi Mohammed ben Aliya, secondée par le Très-Haut, eût forcé les Bouaïehe à s'exiler du Zar'ez, celte tribu venait parfois camper dans les

environs de Aïn Tiss el-Ouin (^^ ir^' vjf) -^ kilomètres est de Djelfa), pour s'y donner les émotions de la chasse au faucon. Un jour, plusieurs jeunes gens de leurs plus grandes tentes, après avoir inutilement cherché quelque gibier dans la plaine de Ma'lba, revenaien t fatigués, le visage plein de tristesse et de dépit, lorsqu'ils rencontrèrent sur leur route une pauvre femme des Sahari, dont le petit enfant dormait paisiblement sur ses genoux. Une idée affreuse s'empara de l'esprit de l'un des chasseurs : puisque, dit-il à ses compagnons, la chasse ne nous a pas été favorable, donnons cet enfant de nos ennemis en pâture à nos faucons. Aussitôt, les chaperons furent arrachés des yeux des oiseaux sanguinaires, qui, poussés par la faim, excités par la voix de leurs maîtres, se précipitèrent avec férocité sur l'enfant, lui crevèrent les yeux d'abord et le mangèrent ensuite avidement, malgré les cris de désespoir de sa mère retenue par les jeunes gens. Dès que le père, appelé Ben Meleh', apprit la douloureuse nouvelle, il courut en pleurant, en se déchirant le visage, chez Sidi ben Aliya se prosterna à ses genoux, lui détailla le crime et demanda vengeance. Le marabout se rendit en toute hâte chez les Bouaïehe, leur fit de violents reproches : « Ne redoutez-vous donc pas la colère de Dieu, leur dit-il? Ne çraignez-vo.us donc pas les châtiments de cette vie et ceux de l'autre aussi ? Sqnt-çe des créatures humaines ou bien des bêtes féroces qui se rendent coupables de pareils crimes? « Les Bouaïehe, après l'avoir écouté en silence, lui répondirent en le

raillant : * As-tu quelque chose de plus intéressant à nous raconter ? » Et ils se détournèrent de lui en riant avec mépris et en l'insultant. * Puisque, leur cria le saint, vous êtes des impies qui ne pouveii rester en paix dans ce pays, par la volonté de Dieu vous vous retirerez à Teguenssa (JU«x£)' cercle de Boghar), et votre postérité ne se coni- ' posera plus que de femmes. » Celle malédiction, digne récompense de leur outrage, ne tarda pas à s'accomplir. Nous avons vu les guerriers les plus renommés des Bouaïehe perdre peu à peu la Vie dans de sanglants combats : ils furent chassés du pays, et leur orgueilleuse tribu, encore aujourd'hui représentée seulement par des femmes, n'osa plus de longtemps se montrer dans le Zar'ez et lui découvrir sa honte et sa jactance abattue.

Les Sahari demeurèrent enfin seuls propriétaires du Djebel Mechentel qu'ils avaient définitivement conquis par de nombreuses et cruelles victoires. Ces montagnes prirent dès-lors le nom de Djebel Sahari.

Franchissant, sans hésiter, les époques antédiluviennes, ils font orgueilleusement remonter leur arbre généalogique jusqu'à Adam, ne se doutant pas que beaucoup d'autres peuples réclament la même origine. Leurs pères, dans la suite des âges, alliés aux Pharaons d'Egypte, jouissaient, en celle qualité, d'une haute influence à la cour de ces princes. La magie, l'art divinatoire, les sciences hermétiques, cabalistiques et auires, n'avaient aucun secret pour eux ; aussi, cette famille, déjà puissante de la force qu'ont tous les grands de la terre, s'élait-elle, en outre, rendue célèbre et redoutable dans tout l'univers, par le pouvoir occulte dont elle disposait. Un jour, on ne sait pour quel motif, elle voulut essayer sa puissance surnaturelle sur la personne auguste d'un Pharaon: le roi, effectivement, fut ensorcelé (sah'ar jsr") ; mais cette race malfaisante fut contrainte de sortir du pays et de chercher un asile dans le Magreb, où ils furent désignés sous le nom de Sah'ari ou sorciers.

Leurs quatorze tribus, dont chacune est assez populeuse pour se faire respecter d'un voisin trop entreprenant, ont pris naissance dans je Djebel Mechentel. Ce sont d'abord les Oulad Rhelif (dans le cercle de Tiaret) séparés de leurs autres frères, bien longtemps avant les guerres dont j'ai ébauché le récit. Sept de ces tribus descendent du même ancêtre, Aliya ben Ali ben Olman ; ce sont : les. 0. Sidi Younès, les 0. Rached, les 0. Yahya, les 0. Yagoub, les 0. Saad, les 0. Younes, les Reddada. La réunion de ces fractions forme la tribu appelée Sahari el-Ataïa c'est-à-dire, les Ataïa ou enfants de A'thaHtiuc Jfr. 8* annde, n» M. 8 --Quelques personnes iuspirées d'un esprit de calomnié prétendent que la dénomination de Ataia est toute dérisoire et leur aurait été appliquée lorsque, réduits aux abois par les Oulad Naïl, ils en Mirent réduits à ne pas pouvoir donner le plus faible impôt aux Turcs. C'est alors qu'on les appela donneurs par antiphrase.

Les sept autres tribus ont pour père, Ali : Ce sont les 0. Ma'iycn, les 0. Ibrahim, les 0. Bedran, les 0. Khamk'an, les 0. Bou Aziz, les 0. Eumara et les 0. Khelif cités plus haut.

Les Sahari depuis longtemps voyaient paisiblement pâturer et s'accroître leurs troupeaux, grandir leurs enfants, lorsque la destinée leur décréta de nouveaux combats qui devaient les désorganiser entièrement.

Quatre tribus du Sahara, envieuses de leur bien-être, acheté par tant de sang répandu, prirent les armes pour leur disputer la possession de ces montagnes aux luxuriants pâturages. C'étaient les elArba', les Selmya, les Haouamed et les Oulad Mad'i. Ces tribus pillardes profitèrent^de l'absence de Sidi Mohammed ben Aliya, alors en voyage chez les béni Mzab, pour venir les attaquer. Un Goual (chantre), épouvanté du bruit des armes, s'écria : « Alors qu'était parmi nous, ô Sahari, un homme, le seigneur de notre temps, le Dieu très-haut remplissait votre territoire de ses biens abondants ; une plantureuse culture verdissait la terre et la jaunissait au temps de la moisson, 6 Béni Yagoub. Après toi, ô Sidi ben Aliya, les hommes de nos tentes se sont regardés tout irrésolus, car les grands chefs qui noas menaient à la victoire n'étaient plus ; après toi, la nezla (fraction nomade) n'a plus osé quitter la colline où elle campait. Nos ennemis se sont.rassemblés de tous les points du monde. Les el-Arba réunis aux Oulad Mad'i, les H'aouamed aux Selmya, nous ont entourés avec un goum plus nombreux que les grains de sable de la Nebka (dunes) du Zar'ez. Les alliés dépéchèrent aux Sahari un mia'd ou députation, portant comme première condition de la paix, qu'il leur fallait quitter les montagnes s'ils ne voulaient y être exterminés. Les A'laïa refusèrent de prêter l'oreille aux insolentes paroles des envoyés. Leurs frères, que l'aspect des forces innombrables qui les enveloppaient rendait plus prudents, conseillèrent vainement de se soumettre en payant aux quatre tribus la R'efara ou Djezia, impôt par tente (-^sj^j\ ijUi). Mais voyant que leur obstination ne pouvait plier devant les circonstances, ils les engagèrent, en dernier lieu, à se prêter à des pourparlers pour gagner du temps et dans l'espoir qu'un événement' fortuit ne tarderait pas h désunir un si grand assemblage de troupes. Tout fut inutile,

— llBles Sahari ben. Aliya ne pouvaient se résoudre à entendre prononcer le mot de soumission. « Nous préférons, dirent-ils, émigrer et aller dans d'autres contrées chercher le bonheur et la tranquillité. Quant à vous, puisque vous êtes sans courage, laissez-nous ou joignez-vous à nos ennemis. » Cependant, comme résister à cet amas de forces, était une chose impossible, les Ataïa abandonnèrent les montagnes* Les el-Arba et leurs auxiliaires les poursuivirent, les atteignirent près de l'endroit appelé depuis lors Faïdjat el-Merahil (chemin de crête des fuyards), au Nord du Senn el-Lebba. Les Sahari, cernés de toutes parts, essayèrent, par une vigoureuse défense, de retarder une défaite que leur petit nombre rendait évidente : ils garnirent toutes les hauteurs environnantes ; s'assurèrent que tous les passages étaient fermés, et attendirent avec fermeté l'attaque de leurs ennemis. Ce combat devait surpasser par sa fureur opiniâtre tous ceux qui avaient été livrés jusqu'à ce jour. La bataille s'engagea. Les Sahari, selon leur habitude, combattirent vaillamment ; chacun d'eux avait choisi plusieurs adversaires. Qu'allait devenir cette poignée de héros qui avait encore à proléger ses femmes, ses enfants, ses troupeaux ? Ils furent vaincus, malgré tous les prodiges de valeur qu'accomplirent en ce jour là, Mahdi, Abra, Messa'oud, R'erbi, Djenna ; ils furent mis en complète déroule. Ce combal, livré un jour d'hiver, jour de pluie et de neige, est resté tristement célèbre chez les Sahari qui, aujourd'hui encore, ne passent jamais en cet endroit sans se rappeler la sanglante destruction de leurs meilleurs guerriers, et ces paroles du poëte : « Les el-Arba, les Selmya, les H'aouamed et les Oulad Mad'i, aux effroyables bataillons, sont venus nous porter un défi, défi que leur nombre rendait lâche, ô ben Yagoub; nous avons voulu leur donner la R'efara, mais les Ataïâ ont pleuré de colère devant cet affront; alors un Combat eut lieu, combat terrible, acharné, dans lequel, votre postérité s'en souviendra, ô Sahari, nos jeunes gens, pleins d'effroi, devinrent subitement des hommes à barbe blanche, combat qui devait effacer votre nom d'entre les noms des tri-*- bus de Dieu, Les Sahari franchirent le Bou D'ehir (j^h> y), à l'ouest de l'oued Meleh', suivirent cette rivière dans la direction du nord, et parvinrent à la nuit tombante dans les sables du Zar'ez, près de Mesran. Lorsque Dieu eut permis au matin de se lever, ils aperçurent les alliés qui se précipitaient sur eux avec furie. Les Sahari, évitant ce nouveau choc avec adresse, s'enfuirent rapidement et ne furent en sécurité que sur les roches abruptes du Djebel Khider (Guelt es-Set'el). Mais, la joie de ces victoires si promptes et si faciles fit oublier toute circonspection aux tribus, et leur inspira une confiance funeste. Arrivées au pied du Djebel Khider, ne pouvant croire à un. retour offensif de la part des Sahari, elles se séparèrent; chacune d'elles choisit un campement ; elles ne formèrent plus ainsi une masse aussi lourde. Les Sahari devinèrent cette faute aux feux? allumés à de grandes distances lesuns des autres. Ils attendirent patiemment le milieu de la nuit et alors, avec de grands cris, tombèrent-comme un ouragan de. poussière sur leurs ennemis, attaquèrent chaque tribu séparément et, sans leur donner le temps de se Secourir, les.eurent écrasés en un.instant. Les el-Arba, frappés de stupeur, essayèrent vainement de résister ; ils rencontrèrent partout les Sahari : l'épouvante bientôt fut si grande, que ces quatre armées, la-veille si formidables, ne songèrent plus qu'à échapper le moins périlleusement possible à la vengeance des vainqueurs. Les el-Arba se réfugièrent dans le Sahara, les Selmya dans les Ziban, les H'aouamed et les Oulad Madi dans la Hodna, après avoir occupé le Meh'aguen (au Sud de Bouçada), où les Oulad Naïl s'étaient établis pendant leur absence. Cette victoire inespérée ne coûta que 30 hommes aux Sahari. Ils firent un butin si considérable que Dieu seul en connut la valeur.

Sidi Mohammed ben Aliya vivait au milieu des Sahari, dans la pauvreté, mais, riche des bénédictions du ciel et des bienfaits qu'il répandait autour de lui. 11 rechercha en mariage la fille de ben H'arag des Oulad Rached, homme aux goûts somptueux, puissant, plein de fierté et l'un des principaux chefs de la tribu. Ben H'arag, étonné de sa demande, le regarda dédaigneusement, en disant : « Entendezvous, ô Sahari, l'outrage que me fait cet homme ? n'a-t-il pas l'audace de vouloir épouser ma fille?. Il oublie, sans doute, la distance du Seigneur à l'esclave ! J'aimerais cent fois mieux la jeter aux pieds de mon nègre Farah', plus digne que lui de la posséder ! » Et il se détourna de lui, en riant avec les Sahari des prétentions ridicu" les de l'homme de Dieu.

A ce refus offensant, Sidi ben Aliya leva son doigt menaçant contre les Sahari et leur cria d'une voix entendue de tout le Guebla (sud): « Malheur à vous ! les Oulad Naïl m'achèteront la faveur que vous * tfavezipas voulu m'accorder. Que la malédiction du ciel s'appesan" tisse de tout son poids sur vous ! » L'un des Oulad Naïl, nommé Kord el-O.uad (caillou, de la rivière), qui donne son nom à une faction des Oulad Saad ben Salem, apprit I'anathème et vint de la part de ses frères lui offrir vingt brebis tachées de noir, un taureau blanc, sa fille, plus belle qu'une houri portée dans un magnifique Djah'fa (£&==■= palanquin), et divers autres présents, qui pouvaient être agréables au marabout. Celui-ci, plein de reconnaissance, s'écria : « A vous, enfant de Sidi Naïl, à vous les richesses et les biens de » ce monde, à vous les nombreux troupeaux, les chameaux, les récoltes » et le succès des armes : vous pèserez sur le cou des Sahari plus » lourdement que le joug ne pèse sur le cou des taureaux. Quant » à vous, Sahari, la pauvreté, les humiliations, les défaites, la sou« mission, seront votre partage. »

En effet, le jour ne devait pas tarder à se lever où les Sahari ne cesseraient d'être abreuvés de vexations, d'exactions journalières par les Oulad Naïl qui ne laissèrent jamais passer l'occasion de les manger, pour nous servir de l'énergique et significative métaphore arabe.

ARNAUD

Interprète militaire. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56892768/f1n80.texteBrut

--Saharicomo (نقاش) 12:30، 23 يوليو 2017 (ت ع م)ردّ